Et
comme si n’étaient pas ses yeux ceux seuls capables de me paralyser, par cette
lumière pure et cristalline, reflet sans doute de la beauté de son âme, aussi
son sourire et sa voix m’engourdissaient. A tel point qu’au début je pouvais
sentir mes mains tremblantes des palpitations qui s’accélèrent dans ma
poitrine. Cette fois-ci Monsieur M n’était pas là pour remplir mon silence, bien
que des silences pussent parfaitement remplir l’espace de temps et le bonheur
de ce moment, sans pas trop d’embarras. Ainsi, je me suis laissé apporter par
ses vagues de questionnements, dans une discussion « ivre » mais bien
agréable. Et si cette « ivresse » puisse ne pas paraître adéquate
pour décrire cette ambiance saine et pleine d’innocence, elle est peut-être due
à ma « perte de sens »
devant l’homme « le plus beau de la
planète ». Je n’avais pas pourtant le droit d’envahir autant son
intimité, je ne voulais pas qu’il se sente menacé par ce chaos qui se passe à l’intérieur
de moi, par ces sentiments qui me rapprochent de lui. Je lui regardais en
essayant de décider ce que j’irais dire. Je voulais lui dire que le monde
serait beaucoup plus beau si on trouvait davantage des sourires comme les
siens, des regards comme les siens, des sensibilités comme les siennes… des
âmes comme les siennes ! Qu’aussi « mon monde » serait plus beau !
Le
monde est sans doute magnifique et je me régale sincèrement à admirer ses
beautés, je dirais même que c’est l’un de mes hobbies préférés. Ce qui me fait
plutôt mal, pourtant, c’est la « nature » humaine, qui me semble
souvent être ignoble et avare, qui me désappointe à chaque jour davantage. C’est
vrai que je suis très sensible à la souffrance d’autrui et j’avoue que je suis capable
de penser davantage à l’autre qu’à moi-même. Pourtant je me rends compte qu’on
vit dans un monde de profiteurs et égoïste, où le « code de survie » se
résume à « chacun pour soi et Dieu
pour tous » ! Où les gens sont tellement insensibles à la
souffrance humaine (qui n’est pas la sienne), où ils ne cultivent pas des vraies
valeurs… Je suis bien d’accord que le bonheur de chaque personne est lié à sa
propre « vision de monde[1] »,
qu’il est donc à l’intérieur de chacun. En fait, je crois peut-être qu’il est
possible de « changer » le cœur des hommes, de les adoucir, je crois
tout d’abord à leur bonté avant de les juger, puisqu’ils méritent des chances,
puisqu’ils ont chacun son histoire et ce n’est pas à nous de les juger. Dans ce
monde (avare et ignoble comme j’ai
dit), il faut bien sur faire très attention surtout à « qui laisser
rentrer dans votre monde », mais cela ne vous empêche pas de vouloir voir
et faire sourire beaucoup plus de monde ! … Par rapport à mon travail, je
veux seulement être capable de « faire sourire » les gens (même si
elles sont « déjà » heureuses, de les voir sourire encore plus !) !...
Je
voulais lui dire que, bien que mes yeux révèlent souvent, sans que je veule, des
émotions contenues dans mon âme, je ne suis pas une personne triste ni tout à
fait pessimiste. Rêveuse, oui, c'est possible. Je suis sûre que nous sommes capables d’améliorer des
situations, même si nous sommes tellement impuissants pour « sauver le
monde » et « la nature
humaine », que nous sommes capables de rendre des gens heureux et que, à
la fin, c’est cela qui importe vraiment. Je voulais lui dire que je suis
heureuse de vivre, que je suis heureuse d’être là, malgré le chaos qui
bouillonne dans ma tête. Je voulais lui dire… que je suis heureuse de lui
connaître ! Je voulais lui dire, que ses yeux et ses mots me donnent forces,
me livrent des envies, me volent des sourires… ! …
Kamra Malka
Kamra Malka
[1] La « vision de monde »
est une expression utilisée par quelques auteurs, comme Peter Checkland, Edgar
Morin ou Maturana et elle est comme une fenêtre où chaque individu aperçoit et
interprète le monde, autant pour le comprendre que pour le transformer. C’est
comme si c’était une lentille culturelle dont la construction inclut des valeurs,
des conventions, des concepts et/ou des approches.
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